Etat-Providence et cohésion sociale

I – Etat-Providence : Etat de bien être

Au sens strict, l’Etat-Providence est l’intervention de l’Etat dans le domaine social par l’intermédiaire du système de la sécurité sociale (créée en 1945), lequel vise à garantir un revenu aux personnes touchées par certains riques sociaux : vieillesse, maladie, chômage, accidents du travail, maternité…

Au sens large, l’Etat-Providence représente les interventions économiques et sociales de l’Etat. Les allocations sociales sont apparues dès la fin du 19ème siècle en Allemagne avec Bismarck et concernaient les accidents du travail et le capital vieillesse.

En 1942 paraît le Rapport Beveridge (Beveridge Report) qui crée l’Etat Providence (Welfare State). Cette forme de l’action sociale de l’Etat est devenue primordiale pour la cohésion sociale.

L’Etat-Providence a contribué à l’intégation des individus dans la société pendant les 30 Glorieuses (revenus de transfert). L’Etat-Providence distribue des revenus et relie les individus entre eux : création de solidarité.

II – La citoyenneté sociale

Avec le développement de la protection sociale, la solidarité cesse d’être exclusivement une affaire de famille ou de village pour devenir une affaire nationale.

Les individus bénéficient des mêmes droits sociaux, d’où la naissance de la citoyenneté sociale, qui complète la citoyenneté politique et la citoyenneté civile. Cela favorise le sentiment d’appartenir à une communauté nationale.

III – La redistribution

Est la fonction essentielle de l’Etat-Providence. La politique de redistribution est une politique économique et sociale qui consiste à prélever des impôts et des cotisations sur les revenus primaires (salaires, loyers, bénéfices) et à en redistribuer une partie sous forme de revenus de transferts.

Toute redistribution n’est pas réductrice d’inégalités :

– la redistribution horizontale cherche à maintenir les ressources des individus atteints par des risques sociaux (ex : frais de maladie remboursés pareil pour toutes les PCS). La redistribution horizontale ne réduit pas les inégalités entre riches et pauvres.

la redistribution verticale consiste à transférer les richesses des plus aisés vers les plus pauvres (l’ISF finance le RMI par exemple).

IV – L’Etat-Providence face à la nouvelle pauvreté

A – Le “workfare”

L’Etat-Providence est confronté à une nouvelle question sociale aujourd’hui : la pauvreté issue du chômage de masse. Les libéraux reprochent à l’Etat-Providence d’entretenir une exclusion sociale alors qu’il est censé la combattre.

Par exemple, les allocations chômages transforment les chômeurs occasionnels en chômeurs longue durée, donc en exclus du monde du travail (chômeurs de masse) – or l’employabilité diminue avec la durée du chômage.

Pour les libéraux, l’Etat-Providence nuit à l’emploi à cause de la hausse des prélèvements obligatoires qui pénalise l’activité économique : l’augmentation des cotisations renchérit le coût du travail, ce qui freine la création d’emplois.

Les libéraux préconisent la réduction des programmes sociaux et la mise sous conditions des aides (travail d’intérêt général [T.I.G.], formations…).

C’est ce que l’on appelle le workfare, contraction de work et welfare state. Ce système a pris naissance aux Etats-Unis et la Grande Bretagne l’a ensuite développé. Ce n’est plus l’aide systématique, il faut qu’il y ait des contreparties et des conditions.

B – Les droits sociaux

La France propose l’extension des droits sociaux aux exclus parce que le système libéral est trop inégalitaire (augmentant la pauvreté). La Couverture Maladie Universelle (C.M.U.) généralise ainsi la santé à tous.

30_4_B

V – La crise de l’Etat-Providence

L’Etat a développé ses actions dans tous les secteurs de la société. L’Etat-Providence s’étend et prend beaucoup d’importance mais il est pourtant fortement contesté, menant à à ce que l’on nomme la crise de l’Etat-Providence.

A – Crise financière

Les recettes (cotisations et prélèvements) sont inférieures aux dépenses (prestations et versements) et il existe des facteurs structurels :

  • rapport actifs/inactifs : plus de retraités qu’avant.
  • problème du chômage : pas de cotisations mais des prestations
  • espérance de vie : dépenses maladie, dépendances
  • évolution démographique : le taux de natalité n’augmente plus
  • médicalisation des problèmes sociaux : on utilise plus de médicaments qu’auparavant
  • lois d’Engel : plus le revenu augmente, plus les dépenses d’alimentation baissent et plus les dépenses liées à la santé/culture/loisirs augmentent. Avec la moyennisation de la société, les gens vont plus souvent chez le médecin.

Le coût de l’Etat-Providence est jugé exorbitant, avec des conséquences sur la compétitivité économique d’un pays (baisse de l’emploi, délocalisations -> dumping social).

B – Crise d’efficacité

La gestion est trop bureaucratique : gaspillages, manque de transparence et lourdeur du système. Il existe un usage peu efficace des ressources. Les libéraux considèrent que ce système est inefficace parce qu’il est à l’abri de toute concurrence. Les libéraux sont bien évidemment pour une moindre intervention de la part de l’Etat.

C – Crise de légitimité

L’Etat-Providence a une fonction d’utilité collective et de lutte contre la pauvreté mais il crée des inégalités alors qu’il est censé les réduire.

Si l’on prend les différentes professions et catégories professionnelles (PCS), les cadres et professions supérieures sont les privilégiés de la culture et du revenu alors que les ouvriers et employés sont plutôt exclus.

Il y a donc une remise en cause de la solidarité collective : on aboutit à l’individualisme, au “chacun pour soi”. L’Etat-Providence est aujourd’hui en état de fragilité. Les centres de soins gratuits ouverts par les associations reçoivent de plus en plus de monde alors que les gens pourraient bénéficier de l’Etat-Providence s’ils étaient plus informés.

Il faut toutefois maintenir la cohésion sociale. En France, l’attachement à la Sécurité Sociale fait partie de l’identité nationale.

VI – Le financement des retraites

Le système des retraites connaît :

  • une crise financière (déséquilibre structurel) : les pensions (retraites) augmentent plus vite que les cotisations. Comment combler ce déficit ?
  • la crise du système : le système par répartition (les actifs de 2000 financent les inactifs de 2000 par exemple) renforce la solidarité entre-générations. Faut-il maintenir le système actuel ? Le supprimer ? Le réformer ? Faut-il associer répartition et capitalisation (fonds de pension) ? C’est un choix de société.

A – L’organisation actuelle

  • salariés du privé, de l’industrie et du commerce [régime général]
  • salariés du secteur public et des antreprises nationalisées [régimes spéciaux]
  • non salariés : professions indépendantes [régime des non-salariés]

B – Les différents régimes

  • le régime de base : géré par la sécurité sociale
    • Cotisations : pourcentage du salaire brut, le salarié paye pour lui et le patron paye pour son salarié. 40 ans de cotisation.
    • Prestations : pension calculée sur les 25 meilleures années (contre 10 auparavant). Retraite à 60 ans.
  • le régime complémentaire : complète le régime de base et est géré par les patrons et les syndicats.
    • ARRCO : salariés non-cadres.
    • AGIRC : salariés cadres

Les cotisations (points) donnent lieu à des prestations (retraite complémentaire).

C – Pourquoi ce système de retraite par répartition a bien fonctionné pendant de nombreuses années ?

Accroissement de la population active : hausse du taux d’activité des femmes et accroissement de la population avec le baby-boom (1946).

Période de prospérité économique : pas beaucoup de chômeurs pendant les 30 Glorieuses. Lorsque les salaires augmentent plus vite, les cotisations suivent la même progression puisque calculées sur ces salaires.

Retraités : carrière incmplète car la retraite date de 1946 (retraite incomplète), le nombre de retraités était moins important et il y avait peu de femmes retraitées.

D – Pourquoi ce système est-il remis en cause ?

Les baby-boomers de 1946 arrivent à la retraite en 2006… et comme il y a moins d’actifs que de retraités, cela crée un déséquilibre. Après le baby-boom vient le temps du baby-crack.

E – Ce qui a été fait

  • la réforme Balladur : allongement de la durée du travail de 37.5 ans à 40 ans, pensions calculées sur les 25 meilleures années au lieu de 10, indexation des retraites sur les prix.
  • la réforme Jospin : fonds de réserve.

VII – Pour ou contre l’Etat-Providence ?

A – Arguments pour le maintien de l’Etat-Providence (Keynes)

Acquis sociaux : aboutissement de la lutte sociale. La protection sociale sert à amortir les effets de la crise (revenus de transferts => hausse de la demande).

Etat-Providence : fonction de prévention des risques (maladie…), fonction d’assistance (R.M.I.), fonction de solidarité et de réduction des inégalités sociales. Les systèmes de retraite par capitalisation créeraient encore plus d’inégalités. Il faut d’abord lutter contre la crise et le chômage.

B – Remise en cause de l’Etat-Providence (Libéraux)

Coût élevé (retraits, maladie, chômage…)
Mentalité d’assistés (pour le chômage surtout) : chômage volontaire, baisse d’incitation au travail.

Les cotisations alourdissent le coût du travail et représentent un frein à l’embauche. Les libéraux sont favorables au système de capitalisation parce que cela ne dépendra plus de l’évolution démographique (“chacun pour soi”).

Articles conseillés :

1 pensée sur “Etat-Providence et cohésion sociale”

Opinions