trombonnes de couleurs variées

Questions d’orthographe : dit-on “des pièces ci-joint” ou “des pièces ci-jointes” ?

Au cours d’un déjeuner avec Jac, on en est venus à parler grammaire et nous avons évoqué ce problème récurrent qui se pose souvent lorsque l’on écrit un mail : doit-on écrire des pièces”ci-joint” ou “ci-jointes” lorsque l’on attache des fichiers ?

Alors, voici la règle pour savoir quand on doit l’accorder.

1. “Ci-joint” reste invariable:

Si votre phrase commence par “ci-joint” : (par exemple : “ci-joint ces documents”). Dans ce cas, “ci-joint” est comparable à “il y a” (“il y a des pièces jointes”) qui ne s’accorde pas.

Quand “ci-joint” se trouve juste après un verbe : (exemple : “vous trouverez ci-joint les documents”).

Dans ce cas, “ci-joint” est comparable à “ici” (par exemple: “vous trouverez ici des documents”). Il joue alors le rôle d’un adverbe et ne s’accorde donc jamais.

2. “Ci-joint” s’accorde:

Quand “ci-joint” est placé juste après le nom qu’il accompagne : (exemple : “vous trouverez les fiches ci-jointes”).

Dans ce cas, “ci-joint” est envisagé comme un adjectif qualificatif (exemple : “vous trouverez des fiches vertes”) et doit donc impérativement s’accorder.

Ça y est, vous pouvez maintenant envoyer des mails en toute tranquillité !

L’envie me prend de commencer une série sur des questions de langue épineuses : avez-vous d’autres points d’orthographe ou de grammaire à élucider ?

L'accord des verbes en français : ce que vous avez toujours voulu savoir photo

L’accord des verbes en français : ce que vous avez toujours voulu savoir

Quand vous êtes prof de français, votre entourage vous considère comme une grammaire sur pattes. Ainsi, dès que par malheur, vous laissez traîner une faute dans la carte de noël que vous envoyez, c’est parti pour dix ans de brimades !

Et puis, quand se pose une question d’orthographe épineuse, votre portable devient une véritable hotline…

dictionnaire

Les accords du verbe

La règle générale est simple : le sujet s’accorde en nombre avec le verbe. Ainsi, de façon tout à fait logique, si le verbe a plusieurs sujets, il se met au pluriel.

Pour le moment, aucun problème. Mais certains cas particuliers posent souvent question et sont donc bons à connaître:

1. Doit-on dire “c’est des beaux enfants” ou “ce sont de beaux enfants” ?

En langage de grammaire, cette formule “c’est” ou son équivalent pluriel “ce sont” s’appelle un présentatif.

En fait, qu’importe son nom pour comprendre cette règle qui est totalement logique:

  • Lorsque le présentatif est suivi d’un nom singulier, le verbe est au singulier: “c’est”. Exemple : c’est un bel enfant.
  • Lorsque le présentatif est suivi d’un nom pluriel, le verbe est au pluriel : “ce sont”. Exemple : ce sont de beaux enfants.

Mais attention, au risque de choquer les puristes, depuis les années 70, devant un nom au pluriel, on admet aussi bien le verbe au singulier ou au pluriel.

En bref, c’est comme vous voulez : “ce sont de beaux enfants” ou “c’est de beaux enfants”sont tous deux acceptés !

2.  Doit-on dire “une multitude de personnes viendra” ou “une multitude de personnes viendront” ?

Ce type de mots (une foule de, une armée de, une multitude, un tas, etc) s’appelle un nom collectif.

Si le nom collectif est employé seul (par exemple : une foule viendra/ une armée se battra / un tas se trouve là), aucun problème, l’accord est simple et logique :

  • si le nom est au singulier, le verbe est au singulier.
  • si le nom est au pluriel, le verbe est au pluriel.

    Par exemple : Une foule se disperse / Des foules se dispersent

Mais attention, si le nom collectif est suivi d’un complément au pluriel (exemple : une foule de personnes / une armée de guerriers / un tas de cailloux), c’est là qu’il faut réfléchir à ce que l’on veut vraiment dire. Deux cas de figure:

  • soit le nom collectif (le tas, l’armée) est ce dont on parle vraiment.

Par exemple, dans “quel tas de cailloux énorme !“, c’est le tas qui est gros, et peu importe qu’il soit de cailloux ou de terre, c’est de lui dont on parle.

Dans ce cas, on accorde le verbe au singulier. Le tas de cailloux est très haut.

  • soit le nom collectif sert à désigner la quantité, le grand nombre.

Par exemple : un tas d’hommes ont combattu : c’est sur la quantité, le grand nombre d’hommes que l’on cherche à insister (et on pourrait remplacer le mot “tas” par “multitude”, sans que ça change le sens de la phrase).

Dans ce cas, on accorde le verbe au pluriel pour mettre en valeur cette notion de grand nombre.

En bref, dans “une multitude de personnes”, le nom collectif “multitude” sert à désigner le grand nombre de personnes : il faudra dire par conséquent “une multitude de personnes viendront”.

Maintenant, vous êtes incollables sur les accords du verbe !

Thailand Summer Trip : quelques réflexions sur notre voyage photo

Thailand Summer Trip : quelques réflexions sur notre voyage

La rentrée approchant, on s’est remémorés nos vacances avec nostalgie, et on s’est dit que pour les faire durer encore un peu, il nous fallait dresser le bilan de notre expérience en Thaïlande.

La formule circuit

Nous pensons que ce n’est pas ce qui nous correspond le mieux. En effet, il nous a fallu composer avec les membres de notre groupe. Rester avec les mêmes personnes pendant douze jours et partager de nombreuses heures de bus n’est pas simple !

De plus, il faut suivre une cadence et un emploi du temps imposés: pas de place pour l’improvisation ou la flânerie et nous aurions aimé davantage d’indépendance. Nous regrettons aussi certaines visites peu intéressantes car souvent faites dans un but mercantile.

En revanche, cette formule nous a offert la possibilité de visiter des sites que nous n’aurions sans doute pas pu voir par nos propres moyens.

De plus, le guide nous a fourni des informations abondantes et précieuses concernant la vie quotidienne en Thaïlande, la religion, ou autres anecdotes savoureuses. En outre, la qualité de certaines visites guidées dépassait largement le Routard que nous avions apporté.

La vie en Thaïlande

Ce qui nous a immédiatement frappés en sortant de l’aéroport, c’est la conduite vraiment zen des automobilistes thaïs. Pas de coups de klaxon ou de gestes colériques à l’encontre des autres usagers, ils laissent volontiers la priorité en ralentissant pour permettre au trafic de s’écouler de manière fluide. On ne s’attend pas à cela, c’est vraiment safe et appréciable car on ne voit pas ça chez nous.

A la louche, il doit y avoir 90% de véhicules Toyota et le reste de Mitsubishi. Partout où nous sommes allés, et même dans les endroits particulièrement reculés, les gens possèdent tous le même modèle de moto : une “Honda Wave”, qui ne fait pas de bruit et roule très bien !

honda-wave

Les Thaï sont aussi très sereins, très doux et souriants. On ne sent pas de stress, pas de pression dans leurs gestes ou dans leur comportement. Le contraste entre l’aéroport de Bangkok et Roissy Charles de Gaule et en ce sens particulièrement frappant !

De plus, les commerçants ne sont absolument pas agressifs ni collants envers les touristes et ne vous forcent pas à acheter. Si vous leur dites non, ils comprennent et vous remercient. Même les chiens sont zen ! Ils n’aboient pas, et vous reniflent pas lorsque vous approchez d’eux.

La nourriture

On peut se nourrir en Thaïlande pour trois fois rien. Les plats sont très épicés, mais certains restaurants adaptent leur cuisine au palais et à l’estomac sensibles des Européens.

La nourriture se compose principalement de riz, de nouilles, de légumes, de poisson et de poulet. Les plats que nous avons dégustés étaient vraiment excellents et rien qu’en écrivant cet article, nous en avons encore l’eau à la bouche !

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En somme, nous très satisfaits de notre voyage en Thaïlande. Nous nous sommes gorgés d’odeurs inconnues, de paysages uniques et splendides et de nouvelles expériences.

Nous avons déjà hâte d’y revenir, pour explorer les îles, certains sites que nous n’avons pas eu le temps de visiter et d’autres pays aux alentours comme la Malaisie ou Singapour.

Deux semaines en Thaïlande : train de la mort, pont de la rivière Kwaï et Bangkok photo 12

Deux semaines en Thaïlande : train de la mort, pont de la rivière Kwaï et Bangkok

Nous embarquons dans le bus pour 2h30 de trajet et arrivons vers 10h30 à la gare de Kanchanaburi. Au programme, une virée en train sur la ligne de chemin de fer de la mort. Rien à voir avec un train fantôme ou une descente à pic dans le train de la mine.

C’est à son histoire que cette ligne doit son nom funeste: elle a été construite pendant la seconde guerre mondiale par des prisonniers de guerre JEATH (from Japan, England, Australia, America, Thaïland, and Holland).

A cause de la maladie et des mauvais traitements qui leur ont été infligés durant la construction, des milliers d’hommes ont péri. Chaque traverse de chemin de fer représente un mort et la voie en compte plus de seize mille.

Nous embarquons dans le train (c’est la journée train !) et cours de notre itinéraire qui traverse rizières, plaines brûlées et champs de manioc.

Nous passons sur le fameux pont, rivière Kwaï d’un coté, flanc de falaise de l’autre.

Le trajet dure 1h30 dans la pampa thaï – ce qui un peu longuet étant donné que le passage sur le pont dure à peine quelques secondes.

Visite des ruines du sanctuaire cambodgien (khmer) de Muang Sing.

Arrivée a l’hôtel, situé au milieu de nulle part. On se jette dans l’immense piscine qui se trouve dans un parc donnant sur le rivière Kwaï. C’est superbe.

Ensuite, c’est soirée moustique : nous dinons sur la terrasse de l’hôtel et les moustiques virevoltent dans tous les sens, certains se crashant même dans notre curry.

Après une heure de bataille à se claquer les cuisses, nous capitulons et rejoignons notre chambre. L’anti moustique Insectes Écran semble les faire rigoler, tout comme le bracelet à la citronnelle.

Le lendemain, nous retournons au pont de la rivière Kwaï pour l’emprunter à pied, flâner au marché, visiter le musée de la guerre et parcourir la rivière en pirogue rapide à moteur.

C’est la pirogue la plus rapide au bord de laquelle nous ayons embarqué. Nous filons à fond les ballons, grisés par la vitesse.

Vient ensuite la visite très intéressante de deux cimetières situés à côté, le cimetière thaï et le cimetière de guerre anglais. Nous nous perdons parmi les tombes des civils thaïs et chinois, réunies en un seul lieu, mais pourtant bien distinctes.

Les tombes thaïes ont la forme d’un chedi, tandis que les chinoises sont des stèles gravées. Des détritus jonchent le sol et l’entretien des tombes laisse à désirer, ce qui contraste pleinement avec le cimetière anglais, juste à côté.

IF

Les tombes sont bien alignées, fleuries et la pelouse est très bien tondue, détail qui réjouit considérablement Matt ! Nous apprécions cette petite promenade matinale : le silence des lieux nous apaise et nous ressentons la proximité de trois cultures pourtant très différentes.

Vient alors l’heure du déjeuner au restaurant. Nous prenons ensuite la route de Bangkok.

Nous parvenons à notre hôtel vers 15h30 et une fois n’est pas coutume, cet après-midi, nous n’avons pas de programme imposé. Nous apprécions vraiment de pouvoir prendre du temps pour nous : sieste, nage dans la piscine, etc.

Nous décidons également de ne pas dîner au restaurant de l’hôtel avec notre groupe, mais d’aller découvrir Bangkok par nos propres moyens. Et puis,c’est l’occasion unique de fêter mes 26 ans ! Nous partons en fin d’après-midi et allons flâner et boire une bière au marché de nuit Asiatique The Riverfront, lieu branché de la capitale.

Peu à peu, la faim nous prend: nous feuilletons notre guide, repérons un resto qui nous tente dans le quartier de Silom et nous y rendons en taxi. Pour éviter les arnaques fréquentes lorsqu’on est touriste et que l’on connaît mal la ville, nous choisissons de prendre un “taxi-meter” équipé d’un compteur, plutôt qu’un taxi ou un “tuk-tuk”.

Le resto est vraiment extra: une terrasse calme et arborée, une ambiance sympathique, et une cuisine thaïe excellente. Matt se souviendra longtemps de son canard ! Et puis, la chaleur de l’air ambiant en dépit de l’heure tardive, rend cette soirée vraiment agréable.

Il est déjà 23h ! Nous retournons à l’hôtel en taxi et ce pour 60 bahts pour couvrir 4 kilomètres ! (1,50 €).

Demain, direction la plage, à Pattaya !

“Je crois que la torture est très efficace et qu’il faut s’en servir” déclare Auguste, premier empereur de Rome

Mode d’emploi : construisez un taureau de bronze grandeur nature, allumez un feu en-dessous, et enfin, jetez dans le creux de son ventre la personne dont vous souhaitez obtenir un aveu. Et hop, simple et efficace !

Tel est le fonctionnement du “taureau de Phalaris”, ingénieusement inventé dans l’Antiquité.

Le taureau de Phalaris, Pierre Woeiriot, XVIè s.
Le taureau de Phalaris, Pierre Woeiriot, XVIè s.

Si le sujet vous intéresse, ou tout simplement, si vous avez un moment devant vous en métro, en voiture, ou ailleurs, vous serez surpris par cette émission sur la torture dans l’antiquité :

Elle est captivante, bien construite et explique de manière pertinente les modalités et utilisations de la torture dans le passé…

“Un sujet dépassé !” pourriez-vous rétorquer. Si seulement ! le sujet est brillant de modernité et, dans un contexte où Amnesty International vient de montrer que la torture est aujourd’hui encore en plein essor, voici une émission qui a de quoi faire se dresser nos cheveux sur nos têtes…

Qui veut enterrer les langues mortes ?, latin, grec, Périclès

Qui veut enterrer les langues mortes ?

Ki veu antéré lé langue morthes ?

« Je ne suis pas très optimiste, ni pour mes chères langues anciennes, ni pour la française d’ailleurs, ni pour les humanités en général et, pis, guère plus pour l’avenir de notre civilisation. S’il n’y a pas un sursaut, nous allons vers une catastrophe et nous entrons dans une ère de barbarie. Il y a un désintérêt et même un dédain pour la Raison et les Lumières. »

Jacqueline de Romilly

Le constat est sans appel : «On» enferme la langue de Platon et plus largement la culture qui s’y rattache dans une sombre caverne, lui laissant entrevoir un funeste destin.

La civilisation et la langue de Cicéron doivent elles aussi s’apprêter à passer une nouvelle fois sous les Fourches Caudines et tomber sous les coups d’impitoyables ennemis : le désintérêt, le dédain et l’oubli. Dans les esprits, ces langues et cultures sont mortes et enterrées depuis longtemps.

Mortes dites vous ? NON ! Il semble que, irréductibles, elles parviennent malgré tout à résister encore et toujours aux affres du temps.

Les civilisations grecque et latine nous sont parvenues, plus vivantes et loquaces que jamais, à travers l’épopée homérique, les pensées socratiques, les traités de rhétorique, et la politique.

Tout ce qui est « cher » (dans tous les sens du terme) à la société actuelle n’est rien d’autre qu’un héritage de ce passé, aujourd’hui tant dénigré. Voyons plutôt: Eglise, démocratie, Sénat, Jeux Olympiques, forum, et caetera…

D’ailleurs, nous parlons encore aujourd’hui le grec et le latin. Que celui qui n’a jamais prononcé « album », crié au « referendum », écrit avec un « stylo », ou n’a jamais fait « caca », jette la première pierre!

Il suffit de prononcer les mots « bénéfice », « profit » ou « politique » pour sentir les vibrations de ces langues qui vivent encore en chacun de nous. Comment comprendre le système politique actuel si l’on ne garde pas à l’esprit le modèle démocratique grec ? Comment apprécier et jouir pleinement de la saveur de nos langues modernes tout en ignorant leurs origines?

Ces langues et civilisations, berceau et fondements de notre culture sont pourtant bel et bien en voie de disparition, restrictions budgétaires obligent… C’est dans cette optique que l’ « On » s’emploie, faute aux bourses pleines de toiles d’araignées, à supprimer à coup de hache toutes les filières qui ne rapportent pas assez : au collège, au lycée ou à l’université, faire du latin et du grec, c’est dépassé.

Le monde contemporain, dans la plupart des domaines, rejette les modèles classiques hérités du passé. «On » pense aujourd’hui, et à tort, que l’étude des cultures anciennes se réduit à une spécialité étroite réservée à une minuscule élite, constituée de marginaux à lunettes, croulant sous le poids des livres et du savoir.

A l’image des lettres anciennes, de nombreuses filières, faute de moyens, sont hachées menu. Dites « plus rares », elles sont de fait stigmatisées et mises à l’écart puisque considérées comme onéreuses et donc, inutiles. Elles sont enfermées dans le carcan des préjugés, véhiculés et entretenus par la culture de masse.

«On» prône de la même façon des idéaux sociaux basés exclusivement sur le chiffre, qui façonnent alors une société d’automates déshumanisés, qui exclut toute sensibilité et renie ses racines, au profit du bénéfice et du gain.

Ces filières qui ne cadrent pas dans le moule de l’idéal « bling bling » et qui ne font pas «gagner des millions» souffrent alors d’un désintérêt criant.

De plus, réside un terrible paradoxe: à l’heure où l’on prône l’identité nationale et l’on façonne de grands projets pour fonder une identité européenne, on tend à dénigrer et à anéantir les fondements même de cette identité.

Comment réfléchir en effet à de telles questions si l’on laisse à l’abandon les civilisations antiques qui constituent les fondements de cette identité commune, tant sur le plan culturel, institutionnel, intellectuel et linguistique ? Comment fonder un monde nouveau en ignorant et en dénigrant le passé?

Qui veut la peau des langues anciennes ? « On », bien sûr.

La naissance d'un projet encyclopédique à Rome !

La naissance d’un projet encyclopédique à Rome !

A l’évocation de la notion d’« Encyclopédie », c’est vers Diderot et son œuvre magistrale que se dirige d’emblée notre pensée. Seulement, cet encyclopédisme que l’on attribue à Diderot n’est pas né au XVIII è siècle.

Ce concept est le fruit d’un très ancien héritage : l’« εγκυκλιος παιδεια » qui définit un système d’éducation grec embrassant toutes formes de savoir.

Ce concept encyclopédique, associé au IVe siècle à l’éducation du jeune grec, est ainsi véritablement ancré dans la pensée antique. Il évolue cependant sous l’influence des écoles philosophiques, notamment de celle d’Aristote dont la tradition d’enseignement marque la naissance d’une forme de courant encyclopédique.

En effet, la philosophie péripatéticienne comprend trois grands domaines d’investigation qui comprennent l’éthique, la logique et la physique. D’emblée, l’association de ces différents domaines de recherche dénote d’un appétit de savoir grandissant, d’un véritable mouvement d’intellectualisation dans le domaine de la connaissance.

Dans la continuité de ce cheminement engendré par la philosophie, la période hellénistique témoigne d’un intense bouillonnement intellectuel et culturel. C’est ainsi que dans les villes de Pergame, de Rhodes ou encore d’Alexandrie dont l’immense bibliothèque illustre cet intérêt pour la connaissance, le foisonnement scientifique est remarquable.

Les travaux des érudits venus de tout le monde hellénistique se multiplient et donnent ainsi lieu à des publications de grands textes de savoir qui marquent une étape dans l’évolution de ce courant encyclopédiste.

Quant à Rome, c’est à partir du premier siècle de notre ère que la littérature scientifique se développe, fruit de l’héritage de Caton l’Ancien ou de Varron, célèbres pour leurs compilations de faits pratiques : le De Agricultura de Caton constitue une encyclopédie pratique destinée à son fils qui recense tous les éléments importants concernant l’agriculture tandis que le De Lingua Latina constitue la première grammaire latine connue. La publication de ces ouvrages représente les fondements de cette tradition encyclopédique à Rome.

Elle évolue une nouvelle fois avec Lucrèce qui au premier siècle avant notre ère est le premier à écrire un traité scientifique sous forme poétique en latin : De Natura Rerum.

A partir du premier siècle, l’écriture de textes scientifiques en prose se fait beaucoup plus importante et jouit d’une plus large diffusion. Dans de nombreux domaines, ces écrits scientifiques apparaissent : Vitruve écrit son De Architectura, traité d’architecture, Celse publie le De Medicina et Sénèque compose les Naturales Quaestiones.

Aussi, l’ouvrage de Pline l’Ancien intitulé Naturalis Historiae reste le plus représentatif de cette tradition encyclopédiste. Au regard de tous ces textes qui présentent, malgré leur caractère scientifique commun, de grandes différences, on pourrait s’interroger sur les caractéristiques qui définissent l’encyclopédisme à Rome.

Pour envisager cette question, nous déclinerons cette étude en trois mouvements : le premier sera consacré à la méthode de composition utilisée par les encyclopédistes. Puis, nous considèrerons l’écriture à deux niveaux de ces traités scientifiques : érudition et accessibilité. Enfin, nous nous interrogerons sur la valeur scientifique de ces écrits.

1. Méthode de composition utilisée par les encyclopédistes

L’encyclopédisme romain se caractérise par une méthode de recherche et d’écriture bien particulière. J-Y. Guillaumin, dans son article qui concerne les écrits des agrimensores romains (« L’écriture scientifique des agrimensores romains ») mentionne que l’encyclopédisme consiste à « synthétiser et systématiser par écrit des savoirs techniques et des pratiques acquises ».

A cet égard, le passage à l’écrit est déterminant. Il correspond à une nécessité de structuration des savoirs dont la transmission se faisait sans doute par oral.

Ainsi, les écrits de savoir romains constituent une synthèse, un véritable recueil écrit de tout ce qui est connu jusqu’alors concernant un sujet donné. Pline l’Ancien dans la préface de son ouvrage Naturalis Historiae rend bien compte de cette volonté de synthétiser et d’organiser des informations recueillies dans bon nombre d’ouvrages différents : « 20.000 faits dignes d’intérêt […] tirés de la lecture d’environ 2.000 volumes, dont un très petit nombre est pratiqué par les savants vu l’obscurité de la matière, et provenant de de 100 auteurs de choix, ont été renfermés en trente-six livres, avec l’addition d’une foule de faits ignorés de nos prédécesseurs ou découverts ultérieurement par les hommes. ».

Cette phrase constitue un précieux témoignage de l’ardeur des auteurs encyclopédistes latins et de la méthode qu’ils utilisent pour écrire leurs ouvrages.

Le neveu de l’auteur de l’Histoire Naturelle, Pline le Jeune, décrit alors dans l’une de ses lettres le goût et l’opiniâtreté de son oncle pour l’étude : « Alors c’était une nouvelle journée de travail jusqu’au repas du soir. Pendant ce repas, il y avait lecture, avec annotation, le tout avec hâte ».

Ainsi, Pline, comme la plupart des auteurs encyclopédistes, consacre son temps à l’étude et recueille les thèses de différents auteurs, fruits de ses lectures qu’il compile dans un seul ouvrage. La table des matières de l’Histoire Naturelle est à cet égard vraiment probante puisqu’elle fait mention, nom par nom, de tous les auteurs que Pline l’Ancien a consultés pour l’écriture de chacun de ses chapitres. Cette synthèse de différentes doctrines d’auteurs plus anciens définit la technique de la doxographie à laquelle ont recours les encyclopédistes.

Ainsi, on trouve chez ces auteurs les doctrines de tous les auteurs qui ont traité d’un sujet donné : « maintenant, je me réfère à l’opinion de Posidonios », écrit Sénèque, dans les Naturales Quaestiones.

Par conséquent, il apparaît nettement que l’on accorde davantage de crédit à l’argument d’autorité qu’au témoin oculaire, ainsi que le montre cet extrait des Quaestiones naturales de Sénèque: « Je vous ai dit ci-dessus, […] que bon nombre d’auteurs admettent cette cause.

C’est aussi l’opinion de Callisthène, homme d’un haut mérite, d’un esprit élevé ». C’est ainsi qu’on peut expliquer le recours à l’écriture doxographique qui rapporte l’avis des plus sages. De la même façon, il n’est pas rare de rencontrer des fragments d’autres textes : des vers de Virgile, des phrases de Démocrite.

Sénèque, dans ses Questions Naturelles, cite par exemple un vers des Métamorphoses d’Ovide quand il évoque les couleurs. De récentes études tendent même à montrer qu’un fragment de Thalès se trouve dans ce même ouvrage de Sénèque.

Ainsi, une quantité phénoménale de sujets sont traités dans ces ouvrages scientifiques. Pline étend alors son domaine de recherche à la météorologie ou à l’histoire de l’art, et présente de la même façon un bestiaire pour le moins surprenant dans sa partie consacrée à la zoologie.

La variété des sujets traités est telle que le premier livre de cette Histoire Naturelle en trente-six volumes constitue un sommaire qui présente tous les domaines traités. Cette table des matières est la première de la littérature et correspond à une véritable nécessité : « Le bien public exigeant que j’épargne votre temps, j’ai ajouté à cette lettre la table de chacun des livres; et tout mon soin a été de la faire tellement exacte que vous n’eussiez pas à les lire ».

La forme alors paraître abrupte à un lecteur plus moderne qui a l’impression d’être confronté à un véritable « catalogue ». Pline consacre l’un de ses chapitres aux hauts-faits réalisés par des hommes : certains noms sont très connus, d’autres sont mentionnés pour la première et la dernière fois dans toute la littérature antique. Ce passage illustre parfaitement l’encyclopédisme quant à son aspect de catalogue.

De cette façon, la méthode encyclopédique constitue, par son caractère doxographique et sa variété et sa précision quant aux sujets abordés une synthèse de savoirs, tous très différents les uns des autres et se présente ainsi comme une littérature tout à fait singulière.

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