La naissance d’un projet encyclopédique à Rome !

A l’évocation de la notion d’« Encyclopédie », c’est vers Diderot et son œuvre magistrale que se dirige d’emblée notre pensée. Seulement, cet encyclopédisme que l’on attribue à Diderot n’est pas né au XVIII è siècle.

Ce concept est le fruit d’un très ancien héritage : l’« εγκυκλιος παιδεια » qui définit un système d’éducation grec embrassant toutes formes de savoir.

Ce concept encyclopédique, associé au IVe siècle à l’éducation du jeune grec, est ainsi véritablement ancré dans la pensée antique. Il évolue cependant sous l’influence des écoles philosophiques, notamment de celle d’Aristote dont la tradition d’enseignement marque la naissance d’une forme de courant encyclopédique.

En effet, la philosophie péripatéticienne comprend trois grands domaines d’investigation qui comprennent l’éthique, la logique et la physique. D’emblée, l’association de ces différents domaines de recherche dénote d’un appétit de savoir grandissant, d’un véritable mouvement d’intellectualisation dans le domaine de la connaissance.

Dans la continuité de ce cheminement engendré par la philosophie, la période hellénistique témoigne d’un intense bouillonnement intellectuel et culturel. C’est ainsi que dans les villes de Pergame, de Rhodes ou encore d’Alexandrie dont l’immense bibliothèque illustre cet intérêt pour la connaissance, le foisonnement scientifique est remarquable.

Les travaux des érudits venus de tout le monde hellénistique se multiplient et donnent ainsi lieu à des publications de grands textes de savoir qui marquent une étape dans l’évolution de ce courant encyclopédiste.

Quant à Rome, c’est à partir du premier siècle de notre ère que la littérature scientifique se développe, fruit de l’héritage de Caton l’Ancien ou de Varron, célèbres pour leurs compilations de faits pratiques : le De Agricultura de Caton constitue une encyclopédie pratique destinée à son fils qui recense tous les éléments importants concernant l’agriculture tandis que le De Lingua Latina constitue la première grammaire latine connue. La publication de ces ouvrages représente les fondements de cette tradition encyclopédique à Rome.

Elle évolue une nouvelle fois avec Lucrèce qui au premier siècle avant notre ère est le premier à écrire un traité scientifique sous forme poétique en latin : De Natura Rerum.

A partir du premier siècle, l’écriture de textes scientifiques en prose se fait beaucoup plus importante et jouit d’une plus large diffusion. Dans de nombreux domaines, ces écrits scientifiques apparaissent : Vitruve écrit son De Architectura, traité d’architecture, Celse publie le De Medicina et Sénèque compose les Naturales Quaestiones.

Aussi, l’ouvrage de Pline l’Ancien intitulé Naturalis Historiae reste le plus représentatif de cette tradition encyclopédiste. Au regard de tous ces textes qui présentent, malgré leur caractère scientifique commun, de grandes différences, on pourrait s’interroger sur les caractéristiques qui définissent l’encyclopédisme à Rome.

Pour envisager cette question, nous déclinerons cette étude en trois mouvements : le premier sera consacré à la méthode de composition utilisée par les encyclopédistes. Puis, nous considèrerons l’écriture à deux niveaux de ces traités scientifiques : érudition et accessibilité. Enfin, nous nous interrogerons sur la valeur scientifique de ces écrits.

Méthode de composition utilisée par les encyclopédistes

L’encyclopédisme romain se caractérise par une méthode de recherche et d’écriture bien particulière. J-Y. Guillaumin, dans son article qui concerne les écrits des agrimensores romains (« L’écriture scientifique des agrimensores romains ») mentionne que l’encyclopédisme consiste à « synthétiser et systématiser par écrit des savoirs techniques et des pratiques acquises ».

A cet égard, le passage à l’écrit est déterminant. Il correspond à une nécessité de structuration des savoirs dont la transmission se faisait sans doute par oral.

Ainsi, les écrits de savoir romains constituent une synthèse, un véritable recueil écrit de tout ce qui est connu jusqu’alors concernant un sujet donné. Pline l’Ancien dans la préface de son ouvrage Naturalis Historiae rend bien compte de cette volonté de synthétiser et d’organiser des informations recueillies dans bon nombre d’ouvrages différents : « 20.000 faits dignes d’intérêt […] tirés de la lecture d’environ 2.000 volumes, dont un très petit nombre est pratiqué par les savants vu l’obscurité de la matière, et provenant de de 100 auteurs de choix, ont été renfermés en trente-six livres, avec l’addition d’une foule de faits ignorés de nos prédécesseurs ou découverts ultérieurement par les hommes. ».

Cette phrase constitue un précieux témoignage de l’ardeur des auteurs encyclopédistes latins et de la méthode qu’ils utilisent pour écrire leurs ouvrages.

Le neveu de l’auteur de l’Histoire Naturelle, Pline le Jeune, décrit alors dans l’une de ses lettres le goût et l’opiniâtreté de son oncle pour l’étude : « Alors c’était une nouvelle journée de travail jusqu’au repas du soir. Pendant ce repas, il y avait lecture, avec annotation, le tout avec hâte ».

Ainsi, Pline, comme la plupart des auteurs encyclopédistes, consacre son temps à l’étude et recueille les thèses de différents auteurs, fruits de ses lectures qu’il compile dans un seul ouvrage. La table des matières de l’Histoire Naturelle est à cet égard vraiment probante puisqu’elle fait mention, nom par nom, de tous les auteurs que Pline l’Ancien a consultés pour l’écriture de chacun de ses chapitres. Cette synthèse de différentes doctrines d’auteurs plus anciens définit la technique de la doxographie à laquelle ont recours les encyclopédistes.

Ainsi, on trouve chez ces auteurs les doctrines de tous les auteurs qui ont traité d’un sujet donné : « maintenant, je me réfère à l’opinion de Posidonios », écrit Sénèque, dans les Naturales Quaestiones.

Par conséquent, il apparaît nettement que l’on accorde davantage de crédit à l’argument d’autorité qu’au témoin oculaire, ainsi que le montre cet extrait des Quaestiones naturales de Sénèque: « Je vous ai dit ci-dessus, […] que bon nombre d’auteurs admettent cette cause.

C’est aussi l’opinion de Callisthène, homme d’un haut mérite, d’un esprit élevé ». C’est ainsi qu’on peut expliquer le recours à l’écriture doxographique qui rapporte l’avis des plus sages. De la même façon, il n’est pas rare de rencontrer des fragments d’autres textes : des vers de Virgile, des phrases de Démocrite.

Sénèque, dans ses Questions Naturelles, cite par exemple un vers des Métamorphoses d’Ovide quand il évoque les couleurs. De récentes études tendent même à montrer qu’un fragment de Thalès se trouve dans ce même ouvrage de Sénèque.

Ainsi, une quantité phénoménale de sujets sont traités dans ces ouvrages scientifiques. Pline étend alors son domaine de recherche à la météorologie ou à l’histoire de l’art, et présente de la même façon un bestiaire pour le moins surprenant dans sa partie consacrée à la zoologie.

La variété des sujets traités est telle que le premier livre de cette Histoire Naturelle en trente-six volumes constitue un sommaire qui présente tous les domaines traités. Cette table des matières est la première de la littérature et correspond à une véritable nécessité : « Le bien public exigeant que j’épargne votre temps, j’ai ajouté à cette lettre la table de chacun des livres; et tout mon soin a été de la faire tellement exacte que vous n’eussiez pas à les lire ».

La forme alors paraître abrupte à un lecteur plus moderne qui a l’impression d’être confronté à un véritable « catalogue ». Pline consacre l’un de ses chapitres aux hauts-faits réalisés par des hommes : certains noms sont très connus, d’autres sont mentionnés pour la première et la dernière fois dans toute la littérature antique. Ce passage illustre parfaitement l’encyclopédisme quant à son aspect de catalogue.

De cette façon, la méthode encyclopédique constitue, par son caractère doxographique et sa variété et sa précision quant aux sujets abordés une synthèse de savoirs, tous très différents les uns des autres et se présente ainsi comme une littérature tout à fait singulière.

Écriture à deux niveaux de ces traités scientifiques : érudition et accessibilité

La littérature de savoir romaine se caractérise par une écriture à deux niveaux : si elle présente un caractère véritablement érudit, elle n’en demeure pas moins accessible à un certain lectorat.

Lire les textes de savoir romains nécessite une véritable culture de base. Celse dans la préface de son oeuvre De Medicina, fait référence à des noms de grands médecins, tels qu’Apollonius, Sérapion ou Praxagore. Un lecteur ignorant se trouve dans la totale incapacité d’éclairer ces allusions.

De la même façon, l’auteur du De Medicina présente des développements empreints d’une influence de la médecine méthodique. C’est alors à ces grands principes médicaux qui soutiennent l’existence de corpuscules au sein du corps que Celse fait référence en recommandant la « lectitatio » à ses lecteurs.

Lucrèce, quant à lui, présente son texte scientifique sous forme poétique. Dans le De Natura Rerum, il présente alors la théorie atomiste de Démocrite transmise par les Epicuriens. Le texte de Lucrèce qui témoigne d’une maîtrise parfaite de la langue et de la rigueur du mètre se révèle alors d’une grande complexité. Seul un lectorat averti semble capable d’éclairer ces références et d’en apprécier la saveur.

De la même façon, le bilinguisme des textes de savoir ne permet qu’à un certain public de les lire. La médecine tirant ses origines de la Grèce, Celse conserve de nombreux termes précis dans leur langue d’origine et mêle ainsi le grec au latin, privant un certain lectorat d’une compréhension globale de l’ouvrage.

De la même manière, Vitruve promeut la figure de l’architecte polymathe, qui doit maîtriser un nombre conséquent de disciplines différentes, parfois très éloignées de l’architecture pour être compétent dans ce domaine. Les textes de savoir constituent ainsi une véritable littérature d’érudition destinée à un lectorat très averti.

Cependant, le fait que Vitruve encourage la figure du polymathe peut être interprété d’une autre façon : Si Vitruve affirme une volonté d’érudition certaine, il confère également une portée universelle à son œuvre.

En effet, en expliquant dans la préface de son ouvrage que tous les domaines de savoir sont utiles à l’architecture, Vitruve touche un large public qui n’est pas forcément composé d’architectes. Et c’est ici que réside véritablement le principe même de l’encyclopédie romaine : elle présente des faits d’érudition, mais est véritablement destinée à un lectorat composé de curieux désirant acquérir des connaissances sur un domaine précis.

De cette façon, le De Medicina de Celse ne s’ouvre pas sur la manière de soigner un malade mais s’adresse au contraire au « sanus homo » en présentant les grands principes de la διαιτητικη (diététique), autrement dit la manière pour l’homme sain de rester en bonne santé. Il préconise par exemple la variété, « uarium habere ». Le plus grand nombre peut de cette manière pratiquer l’automédication sans recours à un médecin pour les affections bénignes.

Le De Medicina, comme la plupart des écrits encyclopédiques sont alors accessibles au plus grand nombre. De la même façon, les auteurs encyclopédistes ont recours à un fonds culturel commun à tous leurs contemporains : Vitruve fait référence à la mythologie : « Dorus, fils d’Hellenes et de la nymphe Optique » et aussi à l’histoire : « une puissante armée de Perses à la bataille de Platée ».

Sénèque, pour étayer ses développements sur les phénomènes atmosphériques, renvoie à des illustrations de la vie courante : « regarde aussi un foulon à l’ouvrage ». Si elles se veulent accessibles, les œuvres des encyclopédistes peuvent également introduire de façon subreptice des considérations morales : Sénèque explique l’arc-en-ciel par la théorie des miroirs et saisit alors l’occasion de raconter l’histoire d’Hostius Quadra qui faisait des miroirs un usage obscène.

Les écrits de savoir se révèlent alors didactiques à deux niveaux différents : l’apport scientifique et culturel ces textes transmis au lecteur est indéniable, mais ceux-ci présentent aussi de manière sous-jacente de véritables enseignements moraux.

La question de l’écriture utilisée par les auteurs encyclopédistes illustre parfaitement l’ambivalence de cette littérature : certains aspects en font des écrits érudits tandis que des éléments contribuent à une certaine accessibilité. La langue des encyclopédistes leur est tout à fait propre.

Du point de vue stylistique les traités se caractérisent par leur aspect impérieux : l’impératif et le subjonctif jussif sont fréquents, avec la variante dépersonnalisée que constitue l’adjectif verbal d’obligation. Egalement, le vocabulaire utilisé est parfois très technique.

Vitruve fait par exemple référence aux « triglyphes » ou aux « mutules » tandis que Lucrèce, dans son œuvre a même recours à des néologismes. De la même façon, l’écriture poétique de ce De Natura Rerum fait de cette ouvrage scientifique une véritable œuvre d’art : la majesté de l’hexamètre dactylique et l’utilisation en maître qu’en fait Lucrèce donnent une grande ambition au contenu du poème et en font l’égal de l’œuvre d’Homère.

Toutefois, malgré une grande complexité due à la langue et au mètre, la forme poétique fait de l’œuvre de Lucrèce un écrit extrêmement plaisant à lire et relativement simple à mémoriser. L’universalité de l’œuvre en est de ce fait décuplée. De la même façon, Sénèque en ayant recours aux procédés d’école fait de son ouvrage une œuvre littéraire et ce, même dans les parties à caractère technique.

Parfaitement illustré par l’écriture à deux visages de ces textes, l’encyclopédisme se révèle véritablement technique mais à la fois doué d’une volonté d’accessibilité et d’universalité.

La valeur scientifique de ces écrits

Cependant, on a souvent considéré que l’encyclopédisme romain constituait une simple copie du savoir grec dépourvue d’originalité. Qu’en est-il véritablement ? Ne peut-on pas considérer qu’établir ces textes représente une véritable évolution du savoir ?

La méthode utilisée par les encyclopédistes dans leur volonté d’exhaustivité constitue une innovation à part entière. Pline dans sa lettre destinée à l’empereur Vespasien l’indique très clairement : « Praeterea iter est non trita auctoribus via nec qua peregrinari animus expetat : nemo apud nos qui idem temptauerit, nemo apud graecos qui unus omnia ea tractauerit. […] Iam omnia attigenda quae Graeci της εγκυκλιου παιδειας uocant. » (« Le chemin où je me suis engagé n’est pas battu par les auteurs, ni de ceux où l’esprit souhaite se promener. Il n’existe personne chez nous qui ait fait la même tentative, personne chez les grecs qui ait traité à lui seul toutes les parties du sujet. […] de plus, il faut toucher à tous les points d’étude que les grecs embrassent sous le nom de culture encyclopédique. »).

Ainsi, en plus de cette innovation en matière de transmission des savoirs, cette phrase de Pline montre bien la préoccupation d’exhaustivité qu’ont les auteurs de compilations. Ils nourrissent le désir d’être complets, à tel point que les écrits peuvent parfois avoir une allure de catalogue. Alors, on voit Hygin le Gromatique écrire que « ce serait une faute de négligence, […], de laisser de côté tant d’exemples fournis par la pratique ».

On comprend alors mieux la nature du premier livre de l’Histoire Naturelle qui a la forme d’un sommaire : cette table des matières est véritablement impérative pour le lecteur, étant donné le nombre et la précision de sujets traités. Et en effet, pour un auteur encyclopédiste, la précision est de rigueur.

A cet égard, Pline est tellement préoccupé par l’exhaustivité de son écrit qu’il n’hésite pas à y faire figurer des éléments relevant du merveilleux. Ainsi trouvera-t-on dans la partie zoologique de son encyclopédie un chapitre consacré aux Tritons et Néréides, créatures mythologiques bien connues.

Pline et les auteurs encyclopédistes n’opèrent donc que très peu de hiérarchie entre les différents niveaux de savoir. Sans doute ne s’agit-il pas de la préoccupation première de ces auteurs : peut-être préfère-t-on compiler des données brutes sans les commenter. On préfère alors laisser le soin au lecteur d’étudier et de considérer lui-même les informations qui lui sont présentées.

Quoi qu’il en soit, à la lecture des ouvrages de savoir antiques, on ressent la vive impression que sur un sujet donné, on a compilé tout ce qui pouvait en être dit et ce, sans forcément de souci quant à la forme. Ainsi, Pline au début de son ouvrage s’excuse de l’ « aridité » de son écrit : « [Mes écrits] n’admettent ni digressions, ni discours ou dialogues, ni événements merveilleux ou aventures variées, toutes choses agréables à écrire ou plaisantes à lire, car le sujet que je traite est aride : il s’agit de la nature […] exigeant pour une foule d’objets l’emploi de termes campagnards ou étrangers, et même jusqu’à des noms barbares, qu’il faut faire précéder d’une excuse. »

On abandonne alors tout souci de création d’une œuvre purement littéraire pour laisser place à l’écrit scientifique à proprement parler, sans recours aux procédés d’école par exemple. Une étape dans l’établissement de l’encyclopédisme est désormais franchie : on distingue ainsi la littérature scientifique de la littérature comme œuvre purement littéraire.

Toutefois, J-Yves Guillaumin dans son article qui concerne l’écriture gromatique à Rome affirme qu’ « il n’y dans la démarche des gromatiques romains aucun aspect ni aucune volonté de production de savoirs. Il s’agit seulement de synthétiser et de systématiser des savoirs techniques et des pratiques acquises ».

Peut-on véritablement considérer l’encyclopédisme romain comme une simple entreprise de synthèse de savoirs anciens ? Pour tenter de répondre à cette question, on peut s’appuyer sur un extrait de Sénèque tiré des Lettres à Lucilius : « Nous devons imiter les abeilles. Nous devons classer et trier ce que nous avons recueilli de nos diverses lectures. Une fois isolées, les choses se retiennent mieux. Puis faisant appel au travail et aux ressources de notre esprit , nous confondrons en une saveur unique ces extraits divers, de telle manière que, même si l’on voit d’où ils ont été tirés, on voie aussi qu’ils sont autres que ce dont on les a tirés ». Cet extrait dont s’inspirera bien plus tard Montaigne est très éloquent quant à la manière de procéder des auteurs : certes, ils recueillent les fruits de leurs lectures, mais ne font pas que citer.

En effet, les encyclopédistes s’imprègnent et s’inspirent de ces informations pour ensuite les réinterpréter et les faire évoluer. On constate alors une véritable avancée dans la méthode scientifique : compiler n’est pas recopier puisqu’une synthèse de savoirs implique une véritable réflexion sur la nature même du savoir.

En réinterprétant des informations tirées d’autres textes comme l’indique Sénèque, s’opère donc une évolution de la pensée : il ne s’agit plus de recopier des savoirs mais plus vraisemblablement de les adapter, de les penser, de les redéfinir. On comprend alors parfaitement le recours de Lucrèce aux néologismes. On doit réinventer des notions, les adapter à une culture et à un mode de pensée différents.

L’encyclopédisme romain marque donc un tournant dans la pensée scientifique. Ce principe novateur est une entreprise nécessaire pour l’évolution du savoir et de son appréhension.

Conclusion

Nous avons ainsi défini dans cette étude les différentes caractéristiques de l’encyclopédisme romain. Nous avons donc observé que ce type d’écriture impliquait une méthode doxographique à partir de sources antérieures et le développement d’une multitude de sujets aussi différents les uns que les autres.

Nous avons aussi étudié le caractère ambivalent de ces écrits de science par leur érudition et leur accessibilité et ce, dans un but didactique. Enfin, nous avons réfléchi à l’apport scientifique représentait ce type d’écrits.

Ainsi, il est apparu clairement que contrairement à certaines analyses qui considèrent les textes encyclopédiques romains comme une simple synthèse de savoirs antérieurs, l’écriture de tels ouvrages implique une profonde réflexion sur le savoir qui le fait de cette façon évoluer.

La très longue postérité d’encyclopédies telles que l’Histoire Naturelle de Pline ou les Questions Naturelles de Sénèque témoigne bien de la valeur scientifique qu’ont revêtu ces ouvrages dans l’histoire. La redécouverte du traité d’architecture de Vitruve à la Renaissance a constitué un véritable événement culturel, tandis que l’ouvrage de Pline est resté l’encyclopédie de référence jusqu’au XVIIIè siècle. La qualité et la valeur de ces textes sont indéniables.

Toutefois, une question mérite d’être posée : quel est le rapport entre l’encyclopédisme et le pouvoir ? On sait que durant la période hellénistique, la promotion des savoirs était profonde.

En effet, mettre en valeur les sciences et les encourager était un moyen d’afficher l’évergétisme du roi et de promouvoir ainsi le pouvoir royal. Telle était, par exemple, l’une des fonctions de la bibliothèque d’Alexandrie et de son musée.

Qu’en est-il à Rome ? Cette production de savoir, accrue au moment de l’instauration de l’Empire, était-elle une façon d’afficher la puissance de l’empereur ? Peut-on interpréter en ce sens le fait que Pline l’Ancien dédie son œuvre à l’empereur Titus, l’apostrophant par cette formule éloquente qu’est« iucundissime imperator » (“toi, merveilleux empereur”) ?

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4 pensées sur “La naissance d’un projet encyclopédique à Rome !”

  1. Merci pour cet article de qualité Télémaque!

    Je ne me doutais pas que les Romains avaient été si loin dans l’archivage et le catalogage du savoir. J’ai immédiatement pensé à Diderot et D’Alemenbert mais je ne savais pas que cela avait déjà existé dans l’Antiquité.

    Je viens de revoir ce qu’était le jussif (injonctif) et d’apprendre ce qu’est un hexamètre dactylique!

    C’est vraiment génial, on découvre des choses et en plus c’est vraiment très bien écrit. Merci :)

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    • Certe discipuli nostri calamitose pauci sunt. Sed eos qui grati curiosique sint linguam latinam docere mihi iucundissimum est. Praeterea Skyminds.net ad scientiam docendam magnificum instrumentum est ! Macte uirtute !

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